B I O G R A P H Y
Philippe Moisan : Photographe du silence, du mouvement du monde et de la lumière intérieure
Né à Montmartre en 1962, Philippe Moisan a grandi dans un Paris riche en ateliers, imprimeries et lieux de vie animés. Ses parents, tous deux graphistes, évoluaient au sein d'un cercle d'artistes où des noms comme Doisneau, Gorsky ou Cartier-Bresson étaient évoqués comme de simples amis, des hommes dotés d'un regard juste.
L'une de ses influences marquantes vient de son grand-père maternel, poète paysan en Île-de-France, qui lui a transmis l'odeur de la terre et des mots profonds. Son autre grand-père, caricaturiste politique, lui a enseigné la lucidité et l'ironie du regard. Cette dualité – entre le sacré et le réel, le silence et la colère, l'ombre et la lumière – imprègne encore son travail.
Très jeune, Philippe Moisan a étudié à l'École du Louvre, fasciné par les arts anciens, les reliques et la géométrie sacrée. Cependant, c'est en explorant le monde qu'il a véritablement appris à voir. Il a rapidement choisi l'errance, le voyage le menant sur les cinq continents. Des ciels d'Asie aux plateaux andins, en passant par les côtes africaines, il a vécu ce qu'il nomme ses "années de survol". C'est néanmoins dans la "descente" que sa photographie s'est forgée.
Errances du regard : du monde vers l'image
Philippe Moisan a commencé la photographie dès l'adolescence, d'abord en amateur, puis par un besoin vital grandissant. De New York au Brésil, de l'Égypte à Berlin, de Bangkok à la Scandinavie, en passant par le Pay Basque ou du Japon, il a toujours recherché des lieux porteurs de mémoire, des seuils entre présence et disparition : lieux abandonnés, sacrés, ou redevenus nature.
Son regard s'est construit à la croisée de diverses influences, loin des académismes. L'école du Leica lui a appris le respect du réel, le cadrage instinctif et l'importance du noir et blanc pour révéler l'essentiel. Il est également inspiré par l'école japonaise – Masao Yamamoto, Daidō Moriyama, Rinko Kawauchi – et leur capacité à faire vibrer un instant tel un haïku. Le Nord, avec les silences de Pentti Sammallahti et les lumières de Michael Kenna, est une autre source d'inspiration. Il apprécie la lenteur mystique de Tarkovski, les horizons abstraits de Zao Wou-Ki ou le dépouillement extrême d'Agnes Martin. Les musiques qu'il écoute en travaillant – Górecki, Arvo Pärt, Nils Frahm, Mahler ou Plastikman – accompagnent ses rythmes intérieurs, entre tension et recueillement.
Photographie de l'effacement et de la présence
L'œuvre de Philippe Moisan est traversée par des cycles, tels que Sanctum, Soumission, Impermanence, Refuges, Abandon, Maelström, Léviathan…. Ces titres reflètent sa quête pour capturer l'état de seuil.
Il photographie les églises comme des forêts, et les forêts comme des cathédrales. Les ruines lui parlent autant que les temples vivants. Il se tient à distance du spectaculaire et du pittoresque, recherchant le moment où le visible s'efface juste assez pour laisser passer une autre réalité – un battement, un frisson, un souvenir.
Le noir et blanc est son terrain naturel, un refus du bavardage chromatique. Il lui permet d'entrer dans les matières, de ressentir la lumière et de revenir à l'émotion première. Ses images ne décrivent pas, elles suggèrent et murmurent.
Maelström, ou l'éveil furtif
Le projet "Maelstrom" représente une vibration qui nous rapproche d'une beauté profonde, souvent évitée. Si l'on décide d'ouvrir les yeux, cet instant est fugace avant de retourner à nos douleurs familières.
Les cieux, les océans, les sommets, les forêts, les édifices ne sont pour lui que des refuges temporaires dans nos vies fuyantes. Il souligne l'absurdité de "tuer le temps", affirmant que le sens surgit seulement lorsque l'on regarde ce que l'on aime en face. Il perçoit de grandes similitudes entre les édifices naturels et spirituels : la lumière, la verticalité, le silence, la danse des ombres. La spiritualité, pour lui, est un chemin vers l'inconnu, qui se découvre et ne s'impose pas.
Aujourd'hui : Tokonomad et au-delà
Philippe Moisan partage sa vie entre la France et l'Asie, ayant exposé à Paris, Bangkok et Osaka. Son travail reste peu diffusé par choix, préférant la lenteur à la saturation. Il travaille actuellement sur Tokonomad avec son compagnon Gaspard .R. Pleansuk , un projet centré sur le Shinrin-yoku – l'immersion consciente en forêt, explorant la lumière, le souffle, la mémoire et la disparition. Il retourne aussi souvent que possible dans les montagnes japonaises, les temples déserts, les chapelles perdues, les forêts bruissantes et les architectures en ruine, des lieux où il se sent en harmonie.
Ce qu'il cherche encore ? Laisser le monde s'exprimer sans l'interrompre. Marcher, écouter, regarder. Photographier sans chercher à saisir, mais plutôt à témoigner, doucement, de ce qui s'efface mais persiste.
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Philippe Moisan: Photographer of Silence, World Movement, and Inner Light
Born in Montmartre in 1962, Philippe Moisan grew up in a Paris still rich with workshops, printing houses, and lively meeting places. His parents, both graphic designers, moved in a circle of artists where names like Doisneau, Gorsky, and Cartier-Bresson were spoken of not as idols, but as simple friends, men with a true gaze.
One of his defining influences comes from his maternal grandfather, a peasant poet in Île-de-France, who taught him the smell of the earth and profound words. His other grandfather, a political cartoonist, instilled in him lucidity and ironic observation. This duality – between the sacred and the real, silence and anger, shadow and light – still imbues his work.
From a young age, Philippe Moisan studied at the École du Louvre, fascinated by ancient arts, relics, and sacred geometry. However, it was by exploring the world that he truly learned to see. He quickly chose to wander, with travel taking him to five continents. From the skies of Asia to the Andean plateaus, and along the African coasts, he experienced what he calls his "years of flying over." Nevertheless, it was in the "descent" that his photography truly took shape.
The Wandering Gaze: From World to Image
Philippe Moisan began photography in his teens, first as an amateur, then increasingly as a vital need. From New York to Brazil, Egypt to Berlin, Bangkok to Scandinavia, and from the Balkans to the Basque county or Japan, he always sought places imbued with memory, thresholds between presence and disappearance: abandoned places, sacred sites, or locations reclaimed by nature.
His perspective was shaped by various influences, far from academicism. The Leica school taught him respect for reality, instinctive framing, and the importance of black and white in revealing the essential. He is also inspired by the Japanese school – Masao Yamamoto, Daidō Moriyama, Rinko Kawauchi – and their ability to make a moment vibrate like a haiku. The North, with Pentti Sammallahti's silences and Michael Kenna's light, is another source of inspiration. He appreciates Tarkovsky's mystical slowness, Zao Wou-Ki's abstract horizons, and Agnes Martin's extreme minimalism. The music he listens to while working – Górecki, Arvo Pärt, Nils Frahm, Mahler, or Plastikman – accompanies his inner rhythms, oscillating between tension and contemplation.
Photography of Erasure and Presence
Philippe Moisan's work traverses cycles, such as Sanctum, Submission, Impermanence, Refuges, Abandon, Maelström, Leviathan…. These titles reflect his quest to capture a threshold state.
He photographs churches as forests, and forests as cathedrals. Ruins speak to him as much as living temples. He keeps a distance from the spectacular and the picturesque, seeking the moment when the visible fades just enough to allow something else to emerge – a beat, a shiver, a memory.
Black and white is his natural territory, a refusal of chromatic chatter. It allows him to delve into textures, feel the light, and return to raw emotion. His images don't describe; they suggest, they whisper.
Maelstrom, or the Furtive Awakening
The "Maelstrom" project represents a vibration that brings us closer to a profound beauty we often avoid seeing. If we choose to open our eyes, this moment is fleeting before we return to our familiar sorrows.
Skies, oceans, peaks, forests, and buildings are, for him, only temporary refuges in our fleeting lives. He emphasizes the absurdity of "killing time," asserting that meaning arises only when we truly face what we love. He perceives great similarities between natural and spiritual structures: light, verticality, silence, the dance of shadows. Spirituality, for him, is a path to the unknown, one that is discovered rather than imposed.
Today: Tokonomad and Beyond
Philippe Moisan divides his time between France and Asia, having exhibited in Paris, Bangkok, and Osaka. His work remains little disseminated by choice, preferring slowness to saturation. He is currently working on Tokonomad with his partner Gaspard .R. Pleansuk, a project centered on Shinrin-yoku – conscious forest immersion, exploring light, breath, memory, and disappearance. He returns as often as possible to the Japanese mountains, deserted temples, lost chapels, rustling forests, and ruined architecture, places where he feels aligned.
What is he still seeking? To let the world speak without interruption. To walk, to listen, to observe. To photograph without wanting to seize. To gently bear witness to what fades yet persists.